mercredi 18 novembre 2009

Philippe PICARD, pêcheur au devant de la seine

Entre le Pont des Arts et le Pont neuf, coule la seine. et pêche Philippe Picard.

Un dimanche soir, parmi les flots de promeneurs, des canes à pêches posées le long du quai, un pêcheur est assit sur le rebord et regarde le fleuve calme.Il est là tous les jours entre 8h et 19h.Deux mètres plus loin, un petit groupe de personne assises sur des chaises de camps. Philippe lance, avec des yeux pétillants « Aujourd’hui on n’a rien pris ! » « Mais on voit du monde ! »

C’est un homme d’une soixantaine d’année, avec, sous sa casquette, un visage rond d’enfant. Il a tout l’attirail du pêcheur, manteau et pantalon cirés, motifs feuilles d’automnes, quatre canes et une bourrache.

Il demande à la Pierrette de se lever, pour laisser une place vide à ses cotés. Cette petite femme vietnamienne, une amie de longue date, c’est celle qu'il fait poser sur les photos avec les poissons. " Elle est petite, fait 45 kilos avec son gros manteau, alors le poisson parait bien plus gros ! »

Philippe sort de sa sacoche un album photo et des coupures de journal.

« On a déjà écrit des reportages sur moi. Je les ai imprimés et j’en ai toujours. Je les envoie aussi à ma maitresse d’école, je lui écris depuis 1958 ! Et je les distribue même à la messe ! Après les gens sont étonnés de me voir dans le métro. Ils s’disent : Un pêcheur dans le métro ? Bah ouais, j’vais quand même pas prendre le taxi !"

Dans son album il y a une vieille photo en noir et blanc. C’est celle de sa première pêche, le jour de sa première communion.Depuis 1975, en 14545 heures, il a « fait » 48246 poissons au bord de la Seine, comme il l'a noté sur un papier à lettres coloré. Philippe est méticuleux!

Il a bien mérité son poste de secrétaire général de l’Union des pêcheurs de Paris, et celui de Garde Pêche. Il fait tous les bilans scrupuleusement : anguilles, surtout, perches, sandres, quelques carpes et poissons chats, une lotte ».La plupart du temps, il relâche tout – s’il ne les distribue pas à ses amis-.


Michel, 75 ans, est aussi un habitué de la Seine. Mais il ne pêche jamais le Dimanche. Il tient à le dire, « Les Chinois, eux, ils gardent tout ! Même les anguilles ! Et ils pêchent la nuit ! »

Philippe acquiesce. Et, lui, ca l’embête « Oui, ils savent bien le cuisiner, mais c’est interdit, les gros poissons il faut les relâcher ! Et on peut pas pêcher la nuit non plus ». Il connait le règlement, il est garde pêche.

Il peut donc contrôler les permis de pêche et même mettre des contraventions.
Quand il a fallu se mouiller, il l’a fait aussi. Philippe a sauvé 29 personnes de la noyade. « Tout l’été il y a des gens qui boivent, sur les quais, sur le pont des arts, et ils font n'importe quoi... Pendant que les pompiers, eux, ils boivent l’apéro ! Moi je veux pas prévenir avec mon sifflet, alors j’y vais ! »
Bien sûr il y a aussi des suicides – le matin très tôt, confie-t-il - mais Philippe ne veut pas trop en parler « vous savez plus on l’ébruite, plus il y en a ». La dernière personne qu’il a récupérée dans la Seine était une jeune fille de 14 ans.



Et Philippe entend toujours la même question quand il discute: Peut-on manger le poisson pêché dans la Seine?
« Les Parisiens ils croient que c’est dégueulasse ! Ils pensent même pas qu’on pourrait le manger! Et puis de toute façon ils n’y connaissent rien au poisson. Ils connaissent que le poisson carré !
L’autre jour j’en ai donné un à une dame qui n’arrêtait pas de râler. Elle m’a appelé à 11h du soir, je m’suis dit, c’est pas possible ! Elle est amoureuse de moi !
Au fait elle voulait me remercier parce qu’elle avait trouvé le poisson excellent.
Et comme je donne mon numéro de téléphone à tout le monde… et puis je suis tellement bavard ! Je fais des rencontres fabuleuses ! »

Une de ses histoires d’amour a commencé entre les deux rives, sur la pointe de l’ile de la cité ; une japonaise avec qui il a vécu des années. « Moi je parle pas la langue…même le français alors ! Mais quand on aime une femme, elle comprend ! »

Philippe est un charmeur, un vrai homme à femmes. Il plaisante souvent « Vous savez avant j’étais boulanger ! Alors moi, j’aime les miches ! »

Mais ca plus belle compagne, c’est bien la Seine, il passe des journées à ses cotés, relié à elle du bout de son fil de pêche. « Vous savez, je suis bien plus amoureux de la Seine que de ma copine ! ».

Le silence est-il coupable?

« Le scandale du monde est ce qui fait l’offense. Et ce n’est pas pécher que pécher en silence » Molière. Ce grand philosophe du 17ème siècle suggère en son temps ce que nous scanderions en les notre en « PAS VU, PAS PRIS ! ».Cet adage des cours de récréation, grandit avec nous. Les hommes adultères en usent, les femmes gourmandes en abusent, les anonymes dans le métro se grattent le nez en cachette en se souvenant de l’air d’opéra improvisé à pleine voix dans la cuisine avec le café matinal. Pas vu, pas pris.
Vivons heureux, vivons cachés ! vivons en silence, car le silence est d’or !
Comme la loi n’est pas encore assez excentrique pour nous octroyer, à nous, pauvres citoyens trop bavards, un droit à « tourner sept fois sa langue dans sa bouche », il vaut parfois mieux éviter de la faire fourcher – ce que par ailleurs, même l’avocat le plus mûr ne saura mettre à sa sauce.- Se taire, alors ? Oui, mais peut-on seulement se taire ?
Grâce à la qualité de nos programmes TV, plutôt qu’à l’excellence de la communication sur la législation de notre pays, nous avons tous entendu (ce qui n’implique pas d’avoir « compris ») un jour : « you do not have to say anything. But it may harm your defence if you did not mention when questionned something which you later rely on in court. Anything you do say may be given in evidence ».Le dilemme auquel est confronté le présumé innocent y est déjà bien visible et assez beau : Vous n’êtes pas obligé de parler… Mais si vous ne parlez pas, plus tard, lorsque que vous vous évertuerez à vous défendre devant la justice, alors on pourra vous reprocher de n’avoir pas mentionné votre défense plus tôt ! ha ! ha ! Et, dernière chose, faites bien attention ! Tout ce que vous dites (car si vous le dites on ne pourra pas vous reprocher de ne pas l’avoir dit), pourrait être utilisé comme preuve contre vous.
Sueur froide du présumé innocent.
En réalité -quittons les fictions américaines- en France les présumés innocents ont fait parler d’eux pour pouvoir eux-mêmes se la fermer sans se faire enfermer.
Déjà, lors de l’arrêt Funke c. France, le 25 février 1993, l’arrêt de la cour a fait valoir que des douanes avaient provoqué l’accusation de Funke dans le but d’obtenir des informations pour prouver sa culpabilité. La cour a fait valoir l’article 6-1 de la CEDH – pour un procès équitable- qui confère aussi le droit de ne pas « déposer contre soi-même » et de garder le silence.
Cette volonté de permettre au le citoyen de « se taire et de ne pas contribuer à sa propre incrimination » se reflète des années plus tard dans la législation française. Le 15 juin 2000, la loi dites Loi Guigou (Elizabeth de son prénom) sur la présomption d’innocence dispose qu’en garde à vue, un individu doit être informé de son « droit de faire des déclarations, de répondre à des questions ou de se taire ». A partir de 2003, (loi pour la Sécurité Intérieure), ce droit demeure le même mais il n’est plus nécessaire de le préciser…
Alors : oui ! Taisez-vous, c’est votre droit…(c'est bon à savoir)
Un droit par ailleurs bien contesté par les magistrats, car il arrive qu’il paralyse des enquêtes – voire pire ! Qu’il permette au coupable – ou plutôt, petit rappel de vocabulaire, au « présumé innocent » qui est potentiellement coupable, mais attention ! se garder de le dire, un Monsieur assez connu en aura récemment fait les frais- de préparer sa défense pour s’en tirer et se tirer.
Toute l’ambigüité de la question repose alors UNE FOIS que vous vous êtes bien tus… Est-ce qu’à ce moment là, devant la justice, vous ne vous en mordrez pas les lèvres ? Car si la loi nous permet de nous taire, la justice est-elle bien tendre avec les taiseux ?
Lors de l’affaire Murray, en 1998, un arrêt de la CEDH (encore celle-là) considère que « s’il est manifestement incompatible avec le droit de se taire et le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination, de fonder une condamnation exclusivement ou essentiellement sur le silence du prévenu ou sur son refus de répondre des questions ou de déposer (…) il est tout aussi évident(…) que ces droits ne peuvent et ne sauraient empêcher de prendre en compte le silence de l’intéressé dans des situations qui appellent assurément une explication de sa part, pour apprécier la force de persuasion des éléments à charge »
Il s’agit donc de tirer des conclusions « raisonnables » du silence – on pourra toujours vous dire que vous n’avez pas coopéré.

Alors si vous avez le droit de vous taire, vous pourrez toujours l’ouvrir pour parler à vos juges : « soyez raisonnables », pourriez vous dire.

LE SAVIEZ-VOUS ? Le plus drôle dans tout ça, c’est que R.Murray, un homonyme, donc, à écrit un livre qui s’appelle Le paysage sonore ; l’histoire de notre environnement à travers les âges.

En réalité, le droit de ne pas s’auto-incriminer –consiste essentiellement dans l’élimination de toute forme de contrainte qui amènerait une personne à faire des déclarations self-martyrs des temps modernes ! « Nous n’avons plus les moyens de vous faire parler ! »-.

Finalement, pour terminer en beauté cet exposé muet, il est important de préciser à notre public d’avocats, qu’ « on n’a pas converti un homme parce qu’on l’a réduit au silence » (Christopher Morley). Alors inutile de dire à tout le monde – puisque tout le monde est un déviant potentiel (oui, oui), que s’ils ne donnent pas leur langue aux chats les souris-ront.