mercredi 18 novembre 2009

Le silence est-il coupable?

« Le scandale du monde est ce qui fait l’offense. Et ce n’est pas pécher que pécher en silence » Molière. Ce grand philosophe du 17ème siècle suggère en son temps ce que nous scanderions en les notre en « PAS VU, PAS PRIS ! ».Cet adage des cours de récréation, grandit avec nous. Les hommes adultères en usent, les femmes gourmandes en abusent, les anonymes dans le métro se grattent le nez en cachette en se souvenant de l’air d’opéra improvisé à pleine voix dans la cuisine avec le café matinal. Pas vu, pas pris.
Vivons heureux, vivons cachés ! vivons en silence, car le silence est d’or !
Comme la loi n’est pas encore assez excentrique pour nous octroyer, à nous, pauvres citoyens trop bavards, un droit à « tourner sept fois sa langue dans sa bouche », il vaut parfois mieux éviter de la faire fourcher – ce que par ailleurs, même l’avocat le plus mûr ne saura mettre à sa sauce.- Se taire, alors ? Oui, mais peut-on seulement se taire ?
Grâce à la qualité de nos programmes TV, plutôt qu’à l’excellence de la communication sur la législation de notre pays, nous avons tous entendu (ce qui n’implique pas d’avoir « compris ») un jour : « you do not have to say anything. But it may harm your defence if you did not mention when questionned something which you later rely on in court. Anything you do say may be given in evidence ».Le dilemme auquel est confronté le présumé innocent y est déjà bien visible et assez beau : Vous n’êtes pas obligé de parler… Mais si vous ne parlez pas, plus tard, lorsque que vous vous évertuerez à vous défendre devant la justice, alors on pourra vous reprocher de n’avoir pas mentionné votre défense plus tôt ! ha ! ha ! Et, dernière chose, faites bien attention ! Tout ce que vous dites (car si vous le dites on ne pourra pas vous reprocher de ne pas l’avoir dit), pourrait être utilisé comme preuve contre vous.
Sueur froide du présumé innocent.
En réalité -quittons les fictions américaines- en France les présumés innocents ont fait parler d’eux pour pouvoir eux-mêmes se la fermer sans se faire enfermer.
Déjà, lors de l’arrêt Funke c. France, le 25 février 1993, l’arrêt de la cour a fait valoir que des douanes avaient provoqué l’accusation de Funke dans le but d’obtenir des informations pour prouver sa culpabilité. La cour a fait valoir l’article 6-1 de la CEDH – pour un procès équitable- qui confère aussi le droit de ne pas « déposer contre soi-même » et de garder le silence.
Cette volonté de permettre au le citoyen de « se taire et de ne pas contribuer à sa propre incrimination » se reflète des années plus tard dans la législation française. Le 15 juin 2000, la loi dites Loi Guigou (Elizabeth de son prénom) sur la présomption d’innocence dispose qu’en garde à vue, un individu doit être informé de son « droit de faire des déclarations, de répondre à des questions ou de se taire ». A partir de 2003, (loi pour la Sécurité Intérieure), ce droit demeure le même mais il n’est plus nécessaire de le préciser…
Alors : oui ! Taisez-vous, c’est votre droit…(c'est bon à savoir)
Un droit par ailleurs bien contesté par les magistrats, car il arrive qu’il paralyse des enquêtes – voire pire ! Qu’il permette au coupable – ou plutôt, petit rappel de vocabulaire, au « présumé innocent » qui est potentiellement coupable, mais attention ! se garder de le dire, un Monsieur assez connu en aura récemment fait les frais- de préparer sa défense pour s’en tirer et se tirer.
Toute l’ambigüité de la question repose alors UNE FOIS que vous vous êtes bien tus… Est-ce qu’à ce moment là, devant la justice, vous ne vous en mordrez pas les lèvres ? Car si la loi nous permet de nous taire, la justice est-elle bien tendre avec les taiseux ?
Lors de l’affaire Murray, en 1998, un arrêt de la CEDH (encore celle-là) considère que « s’il est manifestement incompatible avec le droit de se taire et le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination, de fonder une condamnation exclusivement ou essentiellement sur le silence du prévenu ou sur son refus de répondre des questions ou de déposer (…) il est tout aussi évident(…) que ces droits ne peuvent et ne sauraient empêcher de prendre en compte le silence de l’intéressé dans des situations qui appellent assurément une explication de sa part, pour apprécier la force de persuasion des éléments à charge »
Il s’agit donc de tirer des conclusions « raisonnables » du silence – on pourra toujours vous dire que vous n’avez pas coopéré.

Alors si vous avez le droit de vous taire, vous pourrez toujours l’ouvrir pour parler à vos juges : « soyez raisonnables », pourriez vous dire.

LE SAVIEZ-VOUS ? Le plus drôle dans tout ça, c’est que R.Murray, un homonyme, donc, à écrit un livre qui s’appelle Le paysage sonore ; l’histoire de notre environnement à travers les âges.

En réalité, le droit de ne pas s’auto-incriminer –consiste essentiellement dans l’élimination de toute forme de contrainte qui amènerait une personne à faire des déclarations self-martyrs des temps modernes ! « Nous n’avons plus les moyens de vous faire parler ! »-.

Finalement, pour terminer en beauté cet exposé muet, il est important de préciser à notre public d’avocats, qu’ « on n’a pas converti un homme parce qu’on l’a réduit au silence » (Christopher Morley). Alors inutile de dire à tout le monde – puisque tout le monde est un déviant potentiel (oui, oui), que s’ils ne donnent pas leur langue aux chats les souris-ront.

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